Giuliano Gliozzi, dans l’introduction de son grand livre, rappelle qu’il convient d’appréhender la diversité du réel dans son incohérence première et dans la richesse de ses contradictions flagrantes ou cachées, au lieu de le ramener d’emblée, par une réduction hâtive, à une unité impénétrable et mystérieuse. C’est ainsi qu’il stigmatise à juste titre les tenants du primitivisme doux, les chantres du rêve de l’âge d’or et des peuples libres et nus. Il n’y a pas, sauf chez l’historien des idées quelque peu pressé, un mythe du Bon Sauvage, mais des mythes contradictoires et divergents, circonstanciellement agrégés à la personne d’un sauvage ni bon ni méchant, ni peut-être même sauvage en définitive. Toute vision simplificatrice de l’histoire des idées occulte non seulement la complexité du réel, mais ce réel lui-même, en l’occurrence la matérialité des rapports qui unirent, ou plutôt qui opposèrent, durant les cinq derniers siècles, l’Occident et ses autres. En combattant, non sans vigueur – une vigueur aujourd’hui plus salutaire que jamais –, un Sauvage fantôme et ses partisans bien réels, Giuliano Gliozzi s’en prend au premier chef aux idéalistes d’hier et d’aujourd’hui qui renoncent à comprendre pour mieux s’émerveiller ou, au contraire, mais tout aussi vainement, se scandaliser.
Avec le soutien du CNL.
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